La saison des résultats du S1 2024 s’achève et le constat est sans appel : il n’y a plus lieu de parler de « banques périphériques » et de les discriminer en conséquence.
L’amélioration continue de la rentabilité et de la solidité bilancielle de ces banques se poursuit encore, et cette dynamique est désormais sur un point d’inflexion : les bilans des banques de pays dits « core » commencent très légèrement à se détériorer et affichent des rentabilités parfois décevantes, tandis que les « périphériques » continuent de surfer sur leur vague. Comme un clin d’oeil à ce constat, UniCredit, banque longtemps en difficulté, vient de prendre une participation d’environ 9 % dans Commerzbank et annonce son envie de potentiellement effectuer une OPA sur la banque allemande.
Nous allons voir dans cette note à quel point et comment les banques « périphériques » ont su rattraper leurs concurrentes étrangères, pourquoi ce changement n’est pas circonstanciel, mais bien paradigmatique et dépasse le cadre de la santé économique de leur État souverain de référence, et ce que cela implique en termes d’allocation sur les dettes obligataires bancaires.
1. Le Rattrapage à marche forcée : un chemin douloureux, mais désormais achevé
Fut un temps où les banques espagnoles, irlandaises, italiennes, portugaises et grecques étaient totalement coupées des marchés interbancaires et entièrement dépendantes des facilités de financements et liquidités d’urgence de la Banque centrale européenne (LTRO, ELA)¹. Ces banques étaient qualifiées de « zombies » en raison de taux de créances douteuses et de déficits de fonds propres considérables et avec des notations financières parfois proches du défaut.
Les pays autrefois surnommés péjorativement « PIIGS » (Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne) ont dû injecter des dizaines et des dizaines de milliards d’euros pour faire tenir leurs banques locales, tandis que la réglementation bancaire post-Lehman Brothers, Bâle 3, les forçaient de surcroît à aplanir à marche forcée leurs bilans, tout en les maintenant en vie grâce au statut de prêteur en dernier ressort de la BCE. Il y a eu des faillites/restructurations bancaires violentes (Bankia, Banco Espirito Santo, Banco Popular, banques italiennes vénètes, Monte dei Paschi…), de la consolidation menée au pas de charge, des années sans aucun dividende pour les actionnaires, des valorisations très décotées…
Non seulement ce temps est largement révolu, mais la santé de ces banques est désormais au beau fixe, avec des niveaux de rentabilité et de solidité financière faisant pâlir beaucoup de leurs concurrentes dites « core ». Voyons ceci en trois points : la qualité de crédit des bilans, leur solvabilité et la rentabilité.
Les banques périphériques ont eu grand peine à gérer la forte hausse de leurs encours de créances douteuses suite au double choc de la Grande crise financière de 2007-2008 et de la crise de l’euro (2009-2012). Les mesures de soutien en provenance de la Troïka, de leurs États et de diverses instances de régulation et de soutien ont été tardives (l’ État italien a largement tardé à prendre le problème de son système bancaire à bras le corps, contrairement à l’Irlande ou à l’Espagne), implantées seulement localement et souvent avec difficulté (mise en place de la structure de défaisance, bad bank, Sareb en Espagne ou de la NAMA en Irlande). L’opacité des bilans, notamment pour les banques de petites tailles locales, allait de mise avec des définitions nationales éparses de ce qui constituait alors une créance douteuse, tout comme les règles de provisionnement qui laissaient une grande part de discrétion aux banques et à leurs instances de régulation locales.
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