Le rôle des institutions financières dans la transition vers l'objectif de « zéro émission nette »

16 juillet 2021

Ce contenu est destiné aux investisseurs professionnels au sens de la directive MIF.

Par Roland Rott, Head of ESG and Sustainable Investment Research du Groupe La Française

Si la plupart des institutions financières s'attachent à fournir des financements durables, elles sont moins enclines à s'assurer que l'ensemble de leurs activités s'alignent sur le principe du zéro émission nette.1

En avril, le CDP (anciennement Carbon Disclosure Project) a publié un rapport résumant les conclusions de la première série de réponses à son questionnaire conçu pour le secteur des services financiers. Il en ressortait un chiffre très significatif : les émissions des portefeuilles des institutions financières mondiales sont en moyenne plus de 700 fois supérieures aux émissions liées à leur fonctionnement, et seulement 25 % des institutions qui ont répondu au questionnaire calculent et déclarent ces émissions financées.2

Bien que ce soit la première fois que cette différence soit quantifiée de manière aussi nette, ces chiffres n'ont pas été une surprise. C'est par le biais des personnes, des entreprises et des activités qu'elles choisissent de financer que les institutions financières ont le plus grand impact et qu'elles sont les plus exposées aux risques et opportunités liés au changement climatique. 

La difficulté de mesurer et de gérer ces émissions financées et les risques et opportunités qui en découlent sont au cœur de notre approche de l’analyse de l'impact carbone des institutions financières ; nous avons développé cette approche en tenant compte de nombreux sujets abordés dans ce rapport. 

Le principal point à retenir, et que nous voudrions souligner, ne concerne pas ces chiffres eux-mêmes - aussi notables soient-ils - mais plutôt le message selon lequel « en plus de faire de la finance verte, le secteur financier doit devenir vert ». Comme les auteurs du rapport du CDP l'ont mis en exergue : « Si la plupart des institutions financières s'attachent à fournir des financements durables, elles sont moins enclines à s'assurer que l'ensemble de leurs activités s'alignent sur le principe du zéro émission nette ».

Un constat qui sonne juste. Si 2020 était l'année de l'engagement pour le zéro émission nette, 2021 s'avère jusqu'à présent être l'année des engagements de financements verts à coup de milliards de dollars, avec certaines des plus grandes banques du monde bataillant pour obtenir une place sous le feu des projecteurs afin d'afficher leurs ambitions vertes. Les banques américaines Citi, JP Morgan et Bank of America sont toutes entrées dans la danse ces derniers mois, annonçant de nouveaux objectifs de financement durable à 10 ans égalant, voire dépassant, ceux de leurs homologues européennes au cours des dernières années. 

Pourtant, en parallèle, le classement du financement des combustibles fossiles par les plus grandes banques mondiales, compilé chaque année par le Rainforest Action Network, illustre parfaitement cette déconnexion relevée par le CDP : ce classement a confirmé en mars que les banques mondiales ont fourni 750 milliards de dollars de financement aux industries du charbon, du pétrole et du gaz en 2020. Soit au total  3 800 milliards de dollars au cours des cinq années écoulées depuis l'Accord de Paris.3 Malgré l'impact de la pandémie, qui a réduit la demande mondiale et entraîné une réduction massive de 9 % du financement des combustibles fossiles, les 60 plus grandes banques du monde ont encore augmenté de plus de 10 % leurs financements à destination des 100 entreprises qui contribuent le plus à l'expansion des combustibles fossiles4. Ces chiffres  contrastent de manière flagrante avec le nouveau point de vue présenté par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans sa « Feuille de route pour le secteur de l'énergie » publiée en mai 2021, et qui appelle à l'arrêt de tous les nouveaux projets d'exploration pétrolière et gazière à compter de cette année, si nous voulons atteindre l'objectif de « zéro émission nette » souhaité par l'Accord de Paris.5

De même, une analyse par Reclaim Finance et Urgewald des flux financiers à destination des 934 entreprises figurant sur la « Global Coal Exit List » a montré que les investisseurs institutionnels détenaient plus de 1 000 milliards de dollars dans les entreprises opérant dans la chaîne de valeur du charbon thermique. Le rapport a montré qu'au début de cette année, les deux plus grands investisseurs institutionnels du monde avaient à eux seuls une exposition combinée de 170 milliards de dollars à l'industrie du charbon, soit 17 % des investissements institutionnels dans le charbon mondial6

En fin de compte, toutes les évaluations d'impact carbone des banques ou des gestionnaires d'actifs se résument à la simple question de savoir comment ils nettoient ou « verdissent » leurs portefeuilles. Or, comme ces chiffres le montrent clairement, la question devrait porter autant sur la réduction de leur exposition aux activités « brunes » que sur l'augmentation de leur exposition aux activités vertes. À notre avis, il importe avant tout d'agir pour changer les ordres de grandeur entre les deux, en accompagnant les clients dans leurs démarches de transition par tous les leviers qui s'offrent à eux : engagement actif, services de conseil, finance verte, produits liés au développement durable, pour n'en citer que quelques-uns. Dans ce rapport, nous examinons en détail comment cela prend forme dans la pratique. 

Les chiffres présentant les extrêmes, d'un côté comme de l'autre, seront toujours ceux qui feront la une des journaux. Mais les institutions financières tout comme leurs investisseurs feraient bien de prendre du recul notamment vis-à-vis des définitions et des cadres d’analyse, et de soutenir tous les efforts visant à changer les ordres de grandeur des financements en vue de faciliter une réduction réelle des émissions mondiales. 
Aussi positive que puisse être une politique charbon plus stricte ou une nouvelle promesse de financement vert, un engagement – aussi important soit-il – qui se limite à un seul côté de la balance, ne garantit pas que l'impact visé sera réellement atteint. Les institutions financières auxquelles nous attribuons les meilleures notes ne sont pas nécessairement celles qui présentent aujourd'hui la plus faible exposition aux combustibles fossiles, ou le plus grand objectif de financement vert. Ce sont plutôt celles qui affichent une stratégie de transition entièrement intégrée à travers toutes leurs opérations et activités, et qui ne se focalisent pas uniquement sur des domaines spécifiques. 

(1) CDP ; 2021 
(2) CDP, « The Time to Green Finance » ; avril 2021 
(3) Rainforest Action Network, « Banking of Climate Chaos 2021 » ; mars 2021 
(4) Rainforest Action Network ; mars 2021 
(5) Agence internationale de l'énergie, « Net Zéro d'ici 2050 : Feuille de route pour le secteur mondial de l'énergie » ; mai 2021
(6) Reclaim Finance, « Groundbreaking Research Reveals the Financiers of the Coal Industry » ; février 2021


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