

Le placement de Northvolt, fabricant de batteries pour véhicules électriques, censé incarner le futur énergétique de l’Europe, en « Chapter 11 » depuis le 21 novembre 2024, pose question sur la stratégie européenne concernant l’industrie automobile. À l’image de cette chute, les équipementiers automobiles accusent une perte nette de 56 000 emplois en Europe entre 2020 et 20241 tandis que BYD (fabriquant chinois d’automobiles) a augmenté ses effectifs de 415 000 personnes entre 2021 et 20232 et multiplié par 6,5x ses ventes de véhicules faisant de lui le leader mondial des véhicules électriques. L’industrie automobile européenne semble engluée dans une règlementation sévère avec peu de contreparties financières, contrairement aux subventions massives de l’Inflation Reduction Act aux États-Unis et au soutien du gouvernement chinois à ses industriels… …et face à un très faible engouement des consommateurs européens pour ses véhicules très coûteux.
CE QU’IL FAUT RETENIR :
- Le marché automobile européen est en recul, contrairement à la Chine
- Le marché est contrôlé à 70 % par les asiatiques et la plupart des trente projets européens de gigafactories (usines produisant des batteries pour véhicules électriques) ont été conçus et construits avec l'aide d'entreprises chinoises et coréennes
- Cependant, la Chine ne détient pas tous les savoir-faire en matière automobile. Ainsi, les pièces complexes et lourdes (telles que la motorisation, la transmission, le châssis, les sièges) sont maîtrisées par les européens
"Les équipementiers automobiles accusent une perte nette de 56 000 emplois en Europe entre 2020 et 2024 tandis que BYD (fabriquant d’automobiles) a augmenté ses effectifs de 415 000 personnes entre 2021 et 2023 et multiplié par 6,5x ses ventes de véhicules faisant de lui le leader mondial des véhicules électriques."
L'échec de Northvolt : un symbole des ambitions européennes avortées
L’industrie automobile européenne tarde donc à se transformer en termes industriels afin de résister à l’agressivité des acteurs chinois, coupés du marché américain par les interdits géopolitiques. À ceci s’ajoute la « falaise » des règlements sur le CO2 menaçant les constructeurs automobiles avec des amendes pouvant atteindre plusieurs milliards d’euros.
Le marché européen de véhicules vendus (y compris le Royaume-Uni) s’est rétréci à 13,4 millions en 20245, soit un recul de 17 % vs. 2018. La production européenne hors Royaume-Uni avait également fortement diminué de 18,5 %, à 12,2 millions en 20236. Ces moindres volumes pèsent lourdement sur la structure de coûts des équipementiers automobiles. En outre, les coûts de production sont en hausse en raison de l’inflation des prix de l’énergie, des prix de la logistique et des salaires. Mais surtout, selon Jim Fairley, CEO de Ford Motors, la construction d’une voiture à motorisation électrique nécessite 40 % de main d‘oeuvre en moins qu’une voiture thermique7. Aussi, les constructeurs en Europe annoncent des réductions de capacités (Volkswagen, Ford).
À ceci s’ajoutent les ambitions de lutte contre le changement climatique de l’UE. À partir de 2025, les émissions moyennes de CO2 des nouvelles voitures doivent être réduites de 15 % par rapport aux niveaux de 2021, avec un objectif de réduction de 37,5 % d'ici 2030. Cela impliquerait que les ventes de voitures particulières en Europe atteignent un taux de pénétration des véhicules électriques (VE) de ≥28 % en 2025 (contre 21 % au S1-24, pour que l'ensemble du marché automobile soit conforme. Les constructeurs doivent respecter ces limites sous peine de sanctions financières pouvant aller jusqu’à un montant global de 15 Mds€.
La baisse du marché et les contraintes règlementaires impliquent une restructuration profonde du tissu industriel. Ainsi, l’association européenne des équipementiers automobiles8) indique qu'environ 56 000 emplois nets ont été perdus depuis 2020. D’autres suppressions d’emplois (32 000) ont été annoncées au cours du premier semestre de 2024 seulement. […]