Opinions et Idées

"Nous observons une évolution rapide des usages des espaces dans les immeubles de bureaux"

23 novembre 2017

Marc Bertrand, Président de La Française REM, nous explique les principales évolutions que connaît l’immobilier alors que la transformation des grandes métropoles en "smart cities" a à peine débuté. Il détaille les opportunités post Brexit en Europe mais aussi en anticipation du déploiement du Grand Paris.

Entretien réalisé par Ludivine Garnaud, rédactrice en chef d’Instit Invest. 

Quel est votre positionnement dans l’immobilier ?

Sur les 64 milliards d’euros gérés par La Française, 15 milliards sont réalisés dans l’immobilier. Notre clientèle se compose pour moitié d’institutionnels (deux tiers français et un tiers étranger) et pour l’autre moitié, de particuliers français présents via les SCPI. Nous investissons essentiellement dans des bureaux (deux tiers des encours) mais aussi dans des actifs commerciaux (un quart) et pour le reste dans du résidentiel et dans les autres secteurs (logistique, hôtels…).

En France, nous sommes exposés à hauteur de 50% sur l’Ile-de-France et de 50 % sur la province. En 2017, nous avons investi 2 milliards d’euros en France et en zone Euro. Cette présence importante et durable signifie que nous sommes consultés pour tous les projets majeurs du marché.

Notre gestion de l’immobilier repose sur une équipe de 140 personnes dont 120 sont présentes en France, 15 en Allemagne, à Francfort, et 5 au Royaume-Uni.

Comment appréhendez-vous le marché européen ?

Globalement, nos investissements sont à 80% français, les 20% restants étant essentiellement réalisés en Allemagne et au Benelux, et dans une moindre mesure au Royaume-Uni et en Irlande. Notre présence en Allemagne nous a permis notamment de lancer  depuis trois ans des SCPI couvrant ce pays qui ont eu un réel succès auprès de la clientèle de particuliers français.  

Aujourd’hui, nous observons que la gestion de fonds immobiliers est en train de vivre une intense phase de diversification des investissements. Cette diversification est notamment rendue nécessaire par l’augmentation des volumes de collecte. Investir dans la zone Euro ne modifie pas profondément les rentabilités car les taux de rendement  dans les grandes villes d’Europe sont assez comparables, situés entre 3,70 et 4,50% environ. Cependant, cet élargissement permet de se situer sur des cycles économiques et des  cycles des loyers qui peuvent être très différents d’un pays à l’autre. Ainsi, au Royaume-Uni, nous sommes en haut de cycle, en Allemagne, la croissance se poursuit, tandis qu’en France, les loyers restent bas mais avec des perspectives de croissance en net redressement.

Avez-vous noté un « effet Brexit » sur l’année écoulée ?

Tout d’abord, il faut rappeler le contexte. Le marché londonien a redémarré relativement rapidement après la crise financière et affichait encore récemment des taux de rendement bas avec des loyers très hauts.  Ce cycle haussier a déclenché une période de forte construction puis de livraisons d’immeubles neufs entre 2013 et 2016. Or, parallèlement, le Brexit a pour effet d’inciter certaines entreprises à quitter le pays faisant ainsi baisser la demande. Offre importante et demande hésitante ; nous sommes par conséquent dans une phase de retournement cyclique du marché Londonien. La nouveauté est que l’incertitude du Brexit incite les investisseurs à la prudence et ne facilite pas le rééquilibrage rapide du marché.

Comment un investisseur peut-il diversifier son portefeuille tout en restant en France ?

L’investisseur doit se demander quelles grandes villes françaises en dehors de Paris tirent leur épingle du jeu de la progression de l’activité économique, du développement des infrastructures, etc. Cela passe forcément par une analyse de la métropolisation. Lille est un exemple de réussite et dotée d’un joli potentiel. Située à une heure de Paris et à une heure et quart de Londres, elle a su tirer parti de sa géographie. Les projets urbains de rénovation y sont très prometteurs. De même, Bordeaux et Nantes, deux villes bien desservies par le TGV, offrent de belles opportunités en centre-ville. A l’inverse, Rouen et Orléans pourtant situées à une heure de Paris ont vu leur activité quelque peu aspirée par la région capitale.

L’analyse de ces différents marchés implique l’analyse de la politique menée par les villes. Plus précisément, il faut analyser l’équipe en charge du développement urbain au niveau de l’agglomération. Lyon, de ce point de vue, est modèle car la politique menée au niveau de la communauté urbaine lui donne aujourd’hui une place à part notamment en immobilier d’entreprises. Elle n’a rien à envier en termes de dynamisme à d’autres villes européennes comme Milan, Düsseldorf…

Quelles opportunités va offrir le projet Le Grand Paris ?

C’est un projet urbain de grande qualité et ambitieux qui prévoit un quasi doublement des infrastructures de transport. Certaines zones vont évidemment tirer parti de ces investissements massifs, comme par exemple Saint Denis Pleyel qui va bénéficier d’une gare géante, interconnexion à termes aussi importante que Paris St Lazare.

En revanche, nous estimons qu’il y a actuellement dans le Grand Paris une surpondération des projets en bureaux, singulièrement sur les gares d’importance secondaire. Sur ces zones, il nous semble que le logement doit être privilégié  car la demande reste forte pour ce type de biens. Ce rééquilibrage est nécessaire mais reste dans les faits compliqué pour les municipalités pour qui la création de logement implique implacablement d’importants investissements en équipements publics, avec peu de ressources supplémentaires à mettre en face.

Qu’en est-il de la diversité sectorielle ?

De nombreux choix sont offerts à l’investisseur. Ce dernier doit garder à l’esprit que ce sont les besoins sociaux et démographiques qui dictent l’évolution des nouveaux besoins en termes de bâtiments. Ainsi, nous notons des opportunités intéressantes dans les résidences étudiantes ou pour jeunes actifs, ou encore dans les résidences de tourisme, les résidences seniors non médicalisées pour une population encore autonome à la recherche de services de distraction, sans oublier les résidences pour la gestion de la dépendance type Ehpad. Tous ces biens n’offrent certes des taux de rendement pas très élevés mais des cash flows très visibles et très longs. 

Investissez-vous dans des immeubles connectés ?

Il est clair qu’aujourd’hui un immeuble qui ne « connecte pas », c’est-à-dire un immeuble dans lequel  le wifi ou les portables ne passent pas  sera disqualifié à la location. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les immeubles récents intègrent une  gestion technique très sophistiquée des bâtiments (GTB). Je note avec un certain amusement qu’il il y a encore un écart très important entre le mode de construction des bâtiments et l’usage qui en est fait. Par exemple, un bureau d’étude pourra évaluer une consommation d’énergie pour un immeuble de bureaux qui sera très différente de celle constatée par la suite en occupation réelle. Il faut rester vigilant à ce que la technologie déployée reste à la portée des utilisateurs. A défaut de comprendre la technologie, l’humain passe au système D qui est généralement assez énergivore.

Nous observons également une évolution rapide des usages des espaces et des services dans les immeubles de bureau Ainsi, les restaurant d’entreprises  ne sont  plus des « cantines » mais sont  devenus des lieux de vie occupés du matin au soir avec une décoration créative et conviviale propice aux nouveaux modes d’organisation et de travail des entreprises. Un même lieu peut ainsi avoir plusieurs usages, telle est la principale transformation observée. Au-delà de cette logique d’optimisation, de nouveaux lieux de convivialité apparaissent : un potager dans la cour d’un immeuble, une salle de sport au rez-de-chaussée, une salle de musique...  Cet ajout de nouveaux services a un coût d’exploitation, et nous faisons le constat que seuls les immeubles de taille significative peuvent absorber ces nouveaux coûts. Rationaliser et développer ces services pour les « démocratiser » vers des immeubles de taille plus modeste est un enjeu fort pour les gestionnaires que nous sommes. 

Les investisseurs intègrent-ils de nouveaux critères liés au développement durable dans leurs demandes ?

Plus l’investisseur est important, plus généralement il a une approche mature en matière d’ISR. La demande de reporting sur les critères ISR est en train de se renforcer, soutenue par les nouvelles règlementations. Aujourd’hui, pour un investisseur du Nord de l’Europe, il est impensable d’investir dans un actif ou un fonds non ISR. Chez les petits investisseurs, l’approche est différente. Ils ne sont certes pas opposés à l’ISR mais ils attendent que la démonstration de l’utilité économique soit faite . A nous de leur expliquer le cercle vertueux créé par la rénovation des immeubles en tenant compte des nouvelles normes. Une telle rénovation permet en effet de louer plus rapidement et parfois d’augmenter les loyers. La demande pour occuper des immeubles respectant les nouvelles normes fait d’ailleurs évoluer le marché de manière beaucoup plus rapide que la seule pression du législateur.

Marc Bertrand participera le 30 novembre, dans le cadre de la Journée Nationale des Investisseurs, au panel intitulé : « Evolution et transformation des grandes métropoles : quelle stratégie d’investissement en immobilier en France et à l'international ? Comment les investisseurs peuvent contribuer à la conception des villes "intelligentes" pour réinventer notre manière de produire, de stocker et d’utiliser l’énergie ? »

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