Opinions et Idées

Les Obligations liées au Développement Durable moteur de croissance du marché de la dette ESG

09 mars 2022

Par Marie Lassegnore, Gérant Crédit & Directeur ESG Fixed Income et Cross Asset, La Française AM

DÉFNITION DES OBLIGATIONS LIÉES AU DÉVELOPPEMENT DURABLE (SLBs)

Les formats d’obligations avec liens au développement durable aussi connu sous le nom de « SLB » pour Sustainability-Linked Bonds, sont relativement nouveaux. C’est à la fin de l’année 2019, que nous observons la première émission d’obligation liée au développement durable par ENEL Finance. La véritable innovation de ce format a été de regarder au-delà des aspects verts ou sociaux des projets financés par le “produit” de l’émission obligataire. L’engagement de l’émetteur se situe dès lors au niveau de l’entreprise qui doit intégrer des objectifs stratégiques obligatoires. Lorsque ces objectifs ne sont pas atteints, l’émetteur se soumet à une pénalité financière (appelée augmentation de coupon ou prime ; cette augmentation est prédéfinie). En pratique, avant d’émettre une SLB, l’entreprise définit des objectifs environnementaux ou sociaux (Sustainable Performance Targets - SPT), qui sont mesurés à l’aide d’indicateurs clés de performance (KPI) crédibles. Si l’entreprise n’atteint pas ses objectifs à la date prévue, elle devra payer une prime pour la durée de vie restante de l’obligation.

A titre d’illustration, considérons une obligation avec un coupon de 1 % et une date d’échéance au 31/12/2028.

  • Objectifs de performance stable – SPT : “Atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 avec une réduction intermédiaire de 25% des émissions globales d’ici 2025”
    • KPI1 : “Réduire les émissions de carbone des catégories 1 et 2 de 30% d’ici 2025 par rapport au niveau de 2021”
  • Date cible : 31/12/2025
  • Majoration du coupon : 0,15 %
    • KPI2 : “Réduire les émissions de scope 3 de 20% d’ici 2025 par rapport au niveau de 2021”
  • Date cible : 31/12/2025
  • Majoration du coupon : 0,10 %
  • Par conséquent, si à la date cible du 31/12/2025, l’émetteur est en deçà du premier KPI, il devra payer un coupon de 1,15 % pour les versements annuels de 2026, 2027 et 2028. Le coupon augmente encore, à 1,25 %, si l’émetteur manque les deux objectifs (KPI 1 et KPI2).

COMMENT LES SLBs FAÇONNENT-ELLES LE MARCHE DE LA DETTE ESG ?

Le format SLB est resté inutilisé l’année qui a suivi l’émission inaugurale d’ENEL. Il faut attendre la fin de l’année 2020 pour une large adoption et il est presque devenu la norme en 2021. Son adoption généralisée a été facilitée par la BCE, lorsqu’elle a déclaré que les SLBs constitueraient des garanties éligibles si les objectifs de durabilité étaient liés à des objectifs environnementaux.

L'aspect le plus intéressant de l'émergence du format SLB concerne la façon dont il a rapidement influencé le marché de la dette ESG, qui était dominé par les émissions d'obligations vertes jusqu'en 2020. Fin 2020 et hors obligations souveraines ou d'entités publiques, le marché de la dette ESG des entreprises était composé à 81 % d'obligations vertes, 7 % d'obligations sociales et 10 % d'obligations durables. En un an, la répartition a considérablement changé avec l'explosion des SLBs, qui ont représenté 23 % des émissions primaires en 2021. En janvier 2022, les obligations vertes ont représenté 70 % du mix et les SLBs sont passées de 0,1 % un an auparavant à 10,7 % du marché de la dette ESG d'entreprise. (Source : Bloomberg et La Française AM).

COMMENT EXPLIQUER CETTE TENDANCE ? UNE PLUS GRANDE FLÉXIBILITÉ DES SLBs PAR RAPPORT AUX OBLIGATIONS VERTES

  • La taille minimale des émissions d’obligations vertes : Le format de référence des obligations vertes (300 à 500 millions de dollars) ne convient qu'aux entreprises ayant des bilans / flux de trésorerie opérationnels importants et des programmes de financement annuels de plusieurs milliards de dollars. Le format des obligations vertes ne répond cependant pas aux besoins de financement des petites entreprises qui ne cherchent qu'à lever 500 millions de dollars tous les cinq ans, pour financer leurs investissements ou à d'autres fins.
     
  • L’éligibilité limitée des projets verts : Pour être éligibles au financement par obligations vertes, les projets environnementaux sont soumis aux Principes des Obligations Vertes et/ou à la Climate Bonds Initiative (CBI) ainsi qu'au futur cadre européen pour les obligations vertes. Les obligations vertes sont plus adaptées à certains types de secteurs, comme le montre la répartition sectorielle actuelle. Le marché des obligations vertes est dominé par les gouvernements (37 %) et si l'on se concentre sur le segment des entreprises, les financières en occupent une part importante (32 %), suivies par les services aux collectivités européens (17 %). Les autres secteurs ne représentent que 14 % du marché des obligations vertes. (Source : Bloomberg et La Française AM)

Les SLBs, compte tenu de leur flexibilité accrue, constituent une alternative intéressante. L'émetteur d'une SLB peut en utiliser le produit pour des projets verts ou non verts, ou même à des fins générales telles que les dépenses d'exploitation traditionnelles, etc. Il n'est plus question de taille des projets éligibles par rapport aux besoins de financement totaux. Le marché des obligations vertes scrute, à juste titre, les projets, mais aussi les entreprises qui tentent d'accéder à cette forme de financement. Il existe un risque prononcé de « greenwashing », qui pourrait évidemment entraîner un risque de réputation pour une entreprise opérant dans un secteur hautement polluant qui choisirait de se tourner vers le marché des obligations vertes. D'après nos discussions avec des émetteurs des secteurs du ciment et de l'énergie, le marché des obligations vertes présenterait plus de risques que d'opportunités. En allant au-delà des projets eux-mêmes, les SLBs, qui se concentrent quant à elles sur l'engagement à long terme de l'entreprise (réduction des émissions ou des inégalités sociales), soulignent les efforts de l'entreprise et assurent la transparence en matière de transition, sans courir le risque de « greenwashing ». Le greenwashing demeure un risque si ces ambitions sont jugées insuffisantes, mais un risque réduit, car les investisseurs dans les SLBs pourraient être moins attachés au format de l'obligation.

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